[Trip report] Champis hallucinogènes - Colombiens et Philosopher's stones Auteur : Initial Zine : Rafale #1 Fin de soirée, dans un appartement sous les toits de Lyon. Un ami et moi avons reçu les champis que nous avions commandé sur Shayanashop, un smartshop hollandais assez connu. 15 grammes de philosophers stones (15 g frais pour 12 euros hfp) et 2,5 grammes de Colombiens (secs, pour 19 euros). On fait moitié, moitié. On écrase en poudre épaisse et on avale, à l'aide d'un verre d'eau. Goût de "forêt". Pendant les 30 premières minutes, on ne sent rien d'autre qu'un engourdissement progressif. C'est la phase d'intoxication. Puis ça chatouille la colonne vertébrale. Et soudain ça démarre vraiment : l'environnement ne paraît plus aussi familier. Mon ami et moi essayons de fixer du regard une poutre : la texture du bois respire doucement, les rayures vibrent légèrement. C'est léger mais c'est pourtant déjà très spectaculaire! C'est si excitant que nous courons dans l'appartement en rigolant. Puis nous remarquons un deuxième changement visuel : les proportions. Certains coins de l'appart' sont lointains et petits alors que d'autres sont bizarrement trop proches et grands. Dans un état de conscience normal, la vision est un paramètre stable et sûr. Et les objets vus ne semblent pas "vivants". Il faut alors inventé de nouveaux concepts pour décrypter cette nouvelle vision, plus mobile et fuyante. A cette occasion, on réalise que notre image du monde passe sans cesse à travers un filtre conceptuel. Nous n'appréhendons pas la matière brute du monde mais nous agissons sur elle indirectement, par l'intermédiaire d'idées et de concepts. Sous champis (ou sous LSD), il arrive que l'on se retrouve confronté à une couleur, à une texture ou à une forme sans concept adéquat pour la "digérer", sans interface conceptuel. Il s'ensuit une sorte de contact pur (agréable ou non d'ailleurs, violent ou subtil). L'autre intérêt des champis est qu'ils entrainent une modification de la mémoire, pour ne pas dire une neutralisation de la mémoire. On a du mal à se souvenir du passé lointain (supérieur à deux minutes). Le passé et l'avenir (ce dernier n'étant rien d'autre que des choses que l'on a prévues de faire, donc encore de la mémoire) disparaissent et ne laissent qu'un grand vide noir. Si vous voulez savoir ce que "vivre dans le présent" veut dire, prenez des champotes! Et si vous avez été un ado assez con pour marquer "Carpe diem" au blanco sur votre Eastpack noir, vous allez avoir envie de l'effacer. L'homme est un être de projet dit Sartre. Et Bergson montre dans son oeuvre le rôle central de la mémoire. Sans elle, l'homme n'est rien qu'une conscience éberluée, perdue et incapable de réflexion. Une bouée à la dérive, assez vivante pour se sentir mourir et assez morte pour ne pas pouvoir lutter. Tout cela prend une dimension concrète après une expérience aux champis. Enfin, il faut parler de l'action de la psylocibine sur les émotions. Hypersensibilité. On passe de la joie intense à la déprime totale en moins de quinze minutes. On essaye de mobiliser toute sa volonté pour se forcer à être gai ou pour se rassurer (en cas de bad trip) mais c'est très dur car l'extase sous champignons s'accompagne de fascination : on est béat devant tout, on nage dans l'expectative, on ne peut se concentrer sur rien. Tout ces changements permettent, par différence, de mieux connaître le fonctionnement habituel de son corps et de son esprit. Mais le jeu en vaut-il la chandelle? Un gros bad peut laisser quelques séquelles psychologiques et des prises répétées dans un court intervalle augmentent les risques.