Trashing : destruction confidentielle Auteur : CraneFly Zine : Rafale #10 Il y a 9 ans (Novembre 1998) sortait le premier numéro de Cryptel, avec dedans un article de Aaah intitulé "trashing". Il y définissait ce terme en ces mots : "Trashing: Ou l'art de faire les poubelles en quête d'informations". Ce très chouette article, décrivant le trashing, fut suivit dans les Cryptel 2, 3, 4 et 5 par des "trashing reports" où Aaah nous racontait ses mésaventures et découvertes à la recherche de la vérité dans les poubelles. Mais ce concept existait déjà depuis longtemps. Sur le net francophone, on trouve par exemple des textes à ce sujet début 1993 dans le zine canadien Northern Phun Co. (alias NPC). Déjà à l'époque, les broyeuses et déchiqueteuses mettaient un serieux frein au trashing. Mais maintenant, de plus en plus, les sociétés, ministères et autres font appel à des entreprises spécialisées dans ce qui est appelé la "destruction confidentielle". Cet article a pour but de faire un état de lieux, et de lancer quelques idées pour survivre dans un trashing new generation ;) I) Le personnel Il n'y a pas grand chose à dire à ce sujet. Dans la majorité des cas, le personnel travaillant dans des sociétés de destruction confidentielle ont au moins un casier vierge, et au mieux (ou au pire selon le point de vue) sont assermentés. Ils doivent parfois signer des documents tels que le code éthique de l'entreprise pour laquelle ils travaillent, une déclaration de confidentialité, ... Quand, dans certaines entreprises il s'agit de simples employés, dans d'autres on peut tomber sur de véritables cerbères formés comme gardes de sécurité, au même titre que pour les fourgons de transport de fonds, ce qui comprends parfois des formations et/ou un nombre d'heures de cours minimum par an. Cependant, si certains niveaux du personnel requiert des assurances telles que celles citées à l'instant, ce n'est pas toujours le cas pour tous. Si par exemple il faut être assermenté et suivre des formations pour le transport, il est possible que l'employé à la déstruction sur place ou aux archives ne soit soumis à rien de tout cela. II) Déroulement global & faiblesses Voyons d'abord grossièrement le déroulement global, nous détaillerons chaque partie après. Comme le montre ce très joli schéma que j'ai fait moi-même (hum...), la situation initiale que j'ai choisi est le stockage des données, et la situation finale la destruction de celles-ci : Les données sont stockées soit directement chez l'entreprise de destruction, dans une salle d'archive, soit dans l'entreprise cliente. Dans la première solution, les données sont transportées vers le lieu de destruction et y sont détruites (ben oui). Dans le deuxième cas, les données sont d'abord transportées vers le camion/la camionnette/... et les données vont être échangées entre le client et l'entreprise destructrice. Si il s'agit d'un camion-broyeur, et que la destruction doit se faire dans celui-ci, les documents sont détruits. Sinon il sont transportés vers le site de l'entreprise de destruction, puis sur le lieu de la destruction, et enfin sont détruites. Voilà pour ce qui est de l'explication globale en vitesse, voyons maintenant les détails et les faiblesses. D'abord la phase initiale : le stockage. Si il est fait sur le site de l'entreprise de destruction, il y a fort à parier pour que la sécurité soit de mise : caméras, détection anti-vol, surveillance constante, ... Pour récupérer ces documents, il faudra soit faire partie de l'entreprise de destruction et le prouver (badge), soit faire partie de l'entreprise cliente, le prouver et surtout avoir les papiers ad-hocs pour la récupération. Chaque méthode a ses défauts et avantages. Se faire passer pour un membre de l'entreprise de destruction est certainement plus chaud, puisqu'il s'agit souvent de petites entreprises où presque tout le monde se connait, mais les papiers à présenter sont souvent mois hardus. En tant que membre de l'entreprise cliente par contre, inutile que l'on vous connaisse, mais il faut de la paperasse, dont des papiers d'identité correspondant aux autorisations et aucun doute que cette paperasse sera vérifiée (les employés des entreprises de destruction aiment souvent se sentir flic ou gardien de banque). Dans tous les cas, les documents sont toujours fichés, la plupart du temps sur support informatique, et leur disparition sera enregistrée. De plus, pour une entreprise cliente, le numéro de client présenté et/ou nom, code, etc devront certainement correspondre à l'ID du document dans le système de l'entreprise de destruction. Comme exemple, voici des badges Secur'Archiv (entreprise de destruction Suisse) et une fiche d'habilitation vierge (et commentée) permettant de disposer des archives stockées. La "fiche d'habilitation" : Pour la remplir, dactylographié, il faut : En A : Le numéro du dossier, à priori sur 3 chiffres. Une police classique du type arial 24 semble aller très bien. En B : Le numéro du client, sur 4 chiffres, là aussi avec une police du style arial 24. En C : Le nom de la société cliente, en times new roman 26 et gras. En D : L'adresse de la société client, en times new roman 26 encore, mais pas gras cette fois-ci. L'adresse du format : 125, rue de la chouette maudite 2589-RegionTruc Et puis, à la main, il faut : - Cocher "individuellement" ou "collectivement", - Biffer "j'ai" ou "nous", - Remplir les noms, prénoms et signatures des mandataires clients, - Mettre le lieu et la date dans les pointillés du "fait à, le", - Remettre le nom de la société, l'adresse et la signature sur le cadre "timbre de la société" - Et signer (signature Secur'Archiv !) et dater le "visa de réception". Les "badges d'habilitations" (ces deux images viennent d'un PPT de présentation, je ne garanti donc rien, et je les ai laissées telles qu'elles) : Cependant, c'est certainement pendant le transport sur le site de la salle de stockage à la salle de destruction que les documents, en cas de stockage sur site, sont les plus vulnérables, puisqu'ils sont rarement escortés par une armée. De plus on assiste parfois à des sociétés de destruction confidentielle qui détruisent les documents à des endroits éloignés de leur lieu de stockage, voire même qui les font détruire par d'autres entreprises. Vient ensuite la destruction des documents. Certaines entreprises autorisent un client à assister à la destruction, d'autres la filme. Les documents sont parfois même pesés et repertoriés une fois de plus dans la salle de destruction, mais c'est plutôt rare en Europe. Si maintenant le stockage ne se fait pas sur le site, qu'il est chez l'entreprise cliente, un employé devra se déplacer sur le site de celui-ci. Les documents entre alors dans une phase externe à l'entreprise de destruction, bien moins sécurisée. L'identité de l'employé venu pour récupérer et détruire les documents n'est pas toujours vérifiée, et rarement de façon approfondie, surtout si son véhicule et son costume est au nom de son entreprise. Pareil pour l'employé de l'entreprise cliente qui doit souvent signer une décharge. Il s'agit donc d'une étape particulièrement fragile dans un processus souvement hautement sécurisé. Que ce soit le client qui apporte les documents dehors ou l'employé destructeur qui va les chercher dedans, il arrive que les documents soient échangés dans des containers ou boites verrouillé(e)s. Les documents sont ensuite emmenés vers le camion. La plupart du temps, le camion stationne juste devant l'entreprise cliente, mais il arrive si le stationnement est interdit ou impossible (hauteur maximale pour le camion, interdiction au plus de 10t, interdiction aux camions,...), ou pour toute autre raison, qu'il soit stationné plus loin, ce qui aggrandit le chemin à effectuer et donc les risques d'interception. Les entreprises de destruction comme les entreprises clientes préferent en général avoir un camion-broyeur (ou destructeur, ou déchiqueteur ou ce que vous voulez) sur place, de façon à détruire directement les documents et minimiser les risques d'émancipation sur le chemin. Ces camions peuvent habituellement détruire directement tout types de documents (VHS, CD/DVD, bandes magnétiques, papiers, blue ray (wai ok bon :)), ...). Mais la destruction sur site client n'est pas constante et il arrive encore souvent que les documents soient conduits jusqu'à la salle de destruction sur le site de l'entreprise de destruction (destruction, destruction, destruction !). Durant ce transport, les risques sont grands. Sans compter le fait qu'un accident est toujours possible, le camion devra certainement s'arrêter à de nombreux endroits sur le chemin du retour, ou peut se faire arrêter. Souvent, les camions passent même par plusieurs clients avant de se diriger vers le lieu de destruction; chacun de ces arrêts est un danger de plus pour les documents. Quand les documents sont récupérés le soir, il arrive qu'ils restent à l'intérieur des camions toute la nuit, et déchargés et détruits seulement le lendemain matin... voire pire. Sinon je parle de "camions", mais il peut tout aussi bien sagir de camionnettes, de voitures, de remorques, ... Enfin quand les documents sont arrivés à desination, o nretourne à l'étape de stockage et/ou de destruction vue plus haut. A noter qu'en Europe et aux USA, il y a des normes strictes quant au stockage et à la destruction des documents. Les documents confidentiels, en fonction des pays, ne peuvent pas être gardés au-delà d'une certaine limite de temps. Et, bien que 80% des entreprises détruisent leurs documents en les incinérant, de plus en plus d'entre elles (et cela dû aux lois sur l'emission de CO2) font du recyclage des supports détruits. III) Conclusion Comme on le voit, on est pas toujours obligé de préparer une attaque de fourgon pour récupérer des documents passant par une entreprise de destruction ;) Bien sûr le travail est beaucou plus hardu que de la simple recherche dans des poubelles, mais rien n'est impossible. Un comité a été créé, regroupant de façon internationale une partie des entreprises qui font de la destruction confidentielle : NAID, pour "National Association for Information Destruction". Vous trouverez sur leur site ( http://www.naidonline.org/ ) et ses sous-sites (http://www.naideurope.org, http://www.naidcanada.org, ...) une masse d'informations très interessantes sur les différentes sociétés, le matériel utilisé, les règles de sécurité, ... et je vous conseille donc d'y faire un tour si vous voulez encore approfondir le sujet !