Traduction - Mode d'emploi
Zine : Rafale #17
Auteur : Anonyme
Intro
Traduire, c'est rendre accessible un concept, une idée, un poème -ou toute
autre forme d'écrit- à une nouvelle population. On permet ainsi à un concept
d'être diffusé plus largement, de s'enrichir et d'évoluer. Le principe premier
de la traduction c'est le partage; on partage un texte ou une idée qui nous a
plu, et on le fait découvrir à d'autres personnes. Celles-ci auront peut-être
une perception différente qui viendra enrichir la nôtre.
Nous savons que le milieu alternatif francophone est relativement pauvre en
documents "intéressants" pour une personne qui désirerait mener un mode de vie
différent, ou bien tout simplement acquérir des connaissances non scolaires
telles que le crochetage, la survie, la fabrication d'un tunnel, etc. A
l'inverse, les milieux anglophones et hispanophones regorgent de ce genre de
documents.
C'est dans ce contexte que j'ai traduit "The Way of The Shadow" (La voie de
l'ombre - abrégé ). Et après plus de trois ans et demi de traduction, je
voulais partager avec vous non seulement mon travail mais aussi ma vision plus
personnelle de la traduction d'un texte alternatif.
I. Pourquoi ce texte
a/ Expérience dans la traduction
Avant de me lancer dans la traduction de WTS, j'avais déjà une certaine
connaissance de la traduction, pour avoir traduit pas mal de textes
techniques et quelques textes plus généralistes. Tous liés néanmoins de
près ou de loin au monde alternatif, et traduits dans le cadre de projets
encadrés. Ca m'a donné une petite expérience, et une certaine confiance
sur la possibilité de mener à son terme un projet assez long comme WTS
(environ 70 pages). Je me suis très vite heurté à des problèmes récurrents
dans les projets de traduction. Problèmes dont je vous parlerai plus bas.
b/ Le projet WTS
1. Genèse
A l'origine, l'idée de traduire WTS est venue du forum La Ruelle
(ruelle.hopto.org - ex-Spy00), qui est un forum underground dédié à toutes
les discussions sans tabou légal. Etant donné les sujets traités dans ce
forum, ce document était de toute première importance pour certains
utilisateurs. Le projet a donc débuté en juillet 2008, c'est vous dire si
le travail fut de longue haleine. Nous étions à ce moment-là quatre à
vouloir traduire ce texte. Néanmoins, l'été passé, le nombre de
participants a rapidement chuté pour atteindre une personne, moi. A ce
stade, l'avancement du projet se limitait à 5 pages (les 5 pages parues
dans Rafale #11), traduites par une des premières personnes a avoir lancé
l'idée de la traduction.
2. Développement
Par la suite, il s'en est suivi un petit blanc de presque un an, ce qui
nous amène à juin 2009 pour la parution de la suite de la traduction. Les
20 pages (parues dans Rafale #13 et #14) avaient été traduites sur
quelques semaines. Puis un petit passage (3 pages) a été traduit en juin
2011 et est paru dans Rafale #14. Encore une fois cette traduction fut
suivie d'une période flottement de quelques moi. Nous arrivons donc aux
alentours de Janvier 2012.
3. Fin du projet
La nouvelle année m'ayant fait prendre de nouvelles résolutions, je
décidais de finir la traduction de WTS le plus vite possible. J'ai donc
fini de traduire en 1 mois et demi les 42 pages restantes (est-ce un signe
ou un symbole ? Je ne sais pas :D ), afin de pouvoir faire paraître le
tout dans Rafale #17. Ce qu'il est important de souligner en lisant ce
mini historique du projet, c'est l'étendue du projet comparée aux périodes
d'activités. Ce dernier a duré 3 ans et demi, mais 80% du projet a été
fait en l'espace de 4 mois. Ce n'est pas vraiment étonnant si l'on
considère que la motivation principale du projet était la parution dans
Rafale et que la majorité du projet a été réalisée par une seule personne.
II. Comment bien traduire
a/ Monter le groupe
1. Membre
Lorsque vous décidez de monter un projet de traduction, le choix des
membres est crucial. Il y a quelques paramètres primordiaux à prendre en
compte qui sont assez spécifiques des groupes de traduction. Parmi ceux-
là, on compte la connaissance de la langue française et la motivation.
Bien que cela paraisse logique, la connaissance de la langue française
est tout sauf une évidence. J'ai déjà vu plusieurs fois des projets où
les personnes avaient une orthographe si déficiente que la traduction en
perdait de son sens. Il faut être tolérant, mais jusqu'à un certain
seuil. Quand quelqu'un vous écrit "sa semble vrai", vous pouvez déjà
éliminer un membre. La sélection est assez importante puisqu'une
traduction se doit d'être uniforme. Si les 5 premières pages sont
criblées de fautes, et les 5 d'après sont bien écrites, cela fera une
traduction des plus bancales (l'étape de relecture est là pour ça).
Deuxièmement, la motivation est un facteur extrêmement important puisque
les projets de traduction se créent pour traduire un ensemble de textes
ou bien un texte assez long. Ce genre de projet a donc très rapidement
tendance à prendre du temps. La motivation étant presque toujours
décroissante avec le temps, si vous construisez une équipe peu motivée,
vous vous retrouverez seul en l'espace de deux mois.
Aussi étonnant que ça puisse paraître, je ne cite pas une excellente
connaissance de la langue d'origine comme étant quelque chose
d'important. Tout simplement parce que ça ne l'est pas ! Ne me faites
pas dire que l'on peut traduire en ignorant tout de la langue, mais des
connaissances scolaires basiques peuvent être suffisantes pour mener à
bien une traduction. Vous pouvez très bien combler ces lacunes dans la
langue d'origine par une excellente connaissance du français et
l'utilisation intelligente d'un dictionnaire. Quand j'ai commencé à
traduire je traduisais chaque mot mais j'arrivais toujours à saisir le
sens de le phrase, ce qui permettait de traduire en français de manière
correcte.
Certains croient que la traduction est un bon moyen de s'améliorer dans
la langue d'origine. C'est vrai, tout au moins en partie, mais dans une
bien moindre mesure que si vous consacriez votre temps de traduction à
lire de l'anglais. Vous aurez très souvent tendance à vérifier des mots
dans le dictionnaire et à couper les mots de leur contexte. Ce qui rend
l'apprentissage de la langue par ce biais assez difficile. Si vous
souhaitez améliorer votre niveau en faisant seulement de la traduction,
vous risquez d'être assez vite déçu.
2. Choix du sujet
Le choix d'un sujet importe beaucoup et joue énormément sur la
motivation du groupe formé. Si vous décidez de traduire un journal
paraissant quasiment mensuellement, vos traductions devront suivre le
rythme. Vous risquez sinon d'accumuler le retard et de vous retrouver
obsolètes lors de la parution de la traduction. Cependant, si votre
groupe est motivé, avoir une date limite permet de ne pas trop
s'étendre, car comme tout le monde le sait, si vous pouvez faire quelque
chose en 1h et que vous en avez 10h pour le faire, vous mettrez 10h à le
faire.
Ce problème est aussi récurrent chez les projets faisant des traductions
techniques. Il m'est déjà arrivé qu'entre le moment où l'article est
paru et celui où il a été traduit, le temps soit si important que le
projet technique dont il parlait avait été arrêté. Cela a donc fortement
tendance à décroitre votre motivation et donc à ralentir la traduction,
et ainsi de suite.
Je me borne à traiter ici de la traduction de textes alternatifs, je
n'inclue donc pas des traductions de logiciels ou bien des projets plus
légaux où les gens ont tendance a être plus réguliers dans leur effort.
3. Règles de base pour uniformiser
Une des choses qu'il ne faut vraiment pas oublier quand l'on travaille à
plusieurs sur une traduction c'est qu'à la fin, le texte ou l'ensemble
des textes doit être uniforme. On ne doit donc pas remarquer le
changement de traducteur lorsqu'on passe d'un texte ou paragraphe à un
autre. Il est donc bon d'édicter quelques règles de bases sur la
traduction en général (accents, majuscules accentués, virgules, etc), et
certaines plus spécifiques au projet, comme la traduction de certains
mots récurrents mais sans équivalent français. Cela permettra d'induire
au moins un petit peu d'uniformité dans le projet.
b/ Traduction
Je vais vous décrire ici une méthode idéale pour traduire. Je dis idéale
parce que dans les faits, un projet de traduction alternatif ne permet que
rarement de mettre en oeuvre tout ce qui y est édicté, soit par manque de
temps, soit par manque de membre ! Un projet de traduction qui tourne bien
compte au moins 4 personnes en permanence, mais en moyenne il vous faut le
plus souvent compter sur 4 personnes maximum et en alterné, chacun
traduisant quand il a du temps libre.
Tout d'abord vous devez lire le texte original afin de comprendre les
positions de l'auteur ou bien les concepts et idées qu'il énonce. Si vous
ne comprenez pas, n'hésitez pas à relire plusieurs fois. Si vous pensez ne
toujours avoir compris le texte, alors ne le traduisez pas. Vous
risqueriez de mal traduire, voire de dire le contraire de ce qui est
écrit. Une fois que vous vous êtes imprégné du texte, vous pouvez
commencer à traduire le texte. Lisez toujours une phrase dans sa totalité
avant de la traduire. Il arrive ainsi que vous traduisiez une phrase de
trois ou quatre lignes, et vous vous apercevez que les derniers mots
changent totalement le sens de la phrase, vous devez alors la réécrire.
Une fois que vous avez fini de traduire un paragraphe ou une partie unie
du texte (c'est-à-dire ayant un sujet commun), relisez-vous pour vérifier
que vous n'avez pas fait de contre sens. Gardez toujours la structure ou
l'organisation du texte (particulièrement si celui-ci est séparé en
paragraphes ou hiérarchisé), mais n'hésitez cependant pas à couper
certaines phrases en plusieurs parties si le sens en pâtit en français.
Une fois la traduction effectuée, laissez-la de côté quelques jours. Puis
relisez le texte dans son intégralité et vérifiez que rien ne choque
(phrases bancales, compréhension difficile, fautes de frappes, etc). En
prenant un peu de recul avec votre traduction, vous verrez plus facilement
des erreurs que vous avez pu commettre et qui vous auraient passé sous le
nez si vous aviez relu dans la lancée. Si vous le pouvez, relisez-vous une
seconde fois, juste après l'autre, en vous fixant cette fois sur la
grammaire et l'orthographe. Une fois que plus rien ne vous choque,
précisez ici que votre traduction est terminée. Elle passera alors par la
case relecture.
Il s'agit bien entendu de conseils de traduction, personne ne vous oblige
à suivre ce schéma. Néanmoins, si vous le faites, cela pourrait grandement
vous faciliter vos traductions et en améliorer la qualité.
c/ Relecture
La relecture est une étape importante (si ce n'est primordiale) du
processus de traduction. Sans elle, on obtient la plupart du temps des
textes mal traduits, avec des contre-sens, remplis de fautes, etc. Et ce
même dans le cas de traducteurs chevronnés ou bilingues. Je vais vous
donner ici la méthode conseillée pour faire une bonne relecture, il s'agit
juste de conseils pour les mêmes raisons que celles données pour la
traduction.
Tout d'abord, il faut s'imprégner du texte. Il s'agit donc tout d'abord de
lire le texte en langue étrangère. Ainsi vous saurez de quoi traite le
texte et la manière dont l'auteur développe ses idées. Faire une lecture
comparée phrase par phrase. C'est de loin l'étape la plus longue et
pénible de la relecture. Il s'agit de comparer la phrase en langue
étrangère et la phrase dans le document traduit. Il n'est pas question de
juger le style du traducteur, sauf si cela rend la phrase bancale. Le
perfectionnisme et les belles tournures de phrases peuvent rendre la
traduction plus difficile à lire, ne l'oubliez pas. Une fois la lecture
comparée finie, il faut vous laisser un peu de temps, un à deux jours en
général. Une fois ce délai passé, vous pouvez entamer une relecture
complète du texte; vous n'aurez ici qu'à vérifier les fautes d'orthographe
et de grammaire et les quelques phrases bancales que vous avez pues
retraduire. L'utilisation d'un correcteur orthographique est ici
grandement conseillée. Au moins pour éviter les fautes les plus graves. La
petite pause vous permet de voir des fautes que vous n'auriez pas vues
sinon. Vous avez maintenant fini votre relecture. Il est alors conseillé
de passer le texte à une deuxième personne afin qu'elle le lise à son
tour. Dans bon nombre de cas, cette étape peut s'avérer inutile,
particulièrement si le traducteur et le relecteur ont un bon niveau de
français et une bonne connaissance du concept énoncé, ou bien si le nombre
de membre actif de votre projet ne le permet pas. Certains projets de
traduction poussent le vice jusqu'à effectuer trois relectures. Ce qui est
parfaitement inutile.
La traduction et la relecture doivent être réalisées par deux personnes
(ou trois, s'il y a deux relectures) distinctes. Deux paires d'yeux valent
toujours mieux qu'une. Certaines choses qui paraissent limpides et
compréhensibles pour le traducteur ne le sont pas du tout pour le
relecteur. NE SAUTEZ JAMAIS L'ETAPE DE RELECTURE ! Elle est toute aussi
importante que la traduction et fera souvent la différence entre un projet
de traduction reconnu comme faisant du travail de qualité, et un projet de
traduction baclé.
III. Pièges à éviter
Lorsqu'on s'attaque à une traduction, il y a un ensemble de pièges à éviter
qui vous permettront d'être plus efficace et de rester motivé. Je vous donne
ici ceux auxquels j'ai pu être confrontés pendant que je traduisais.
a/ Voir trop gros
1. Temps et quantité à traduire
Voir trop gros est caractéristique des projets contenant des membres
inexpérimentés. On pense toujours que traduire est assez rapide. On lit le
texte, on le comprend sans trop de problème, et on se dit que la
traduction ne devrait donc pas poser de soucis majeurs. Sauf que la
principale difficulté d'une traduction consiste à faire qu'un texte soit
compréhensible par tous, et non seulement par son traducteur. Et c'est
souvent là que le bât blesse, et que l'étape de relecture devient
primordiale. On sous-estime trop souvent le temps que peut prendre une
traduction. WTS en est l'exemple parfait, les membres pensaient y arriver
en deux mois, mais 3 ans et demi ont été nécessaires. Pour un ordre
d'idée, une traduction correcte d'une page quand on a une bonne
compréhension de la langue d'origine et un bon niveau de français vous
prendra environ 1h30. Pour une traduction de 70 pages comme la nôtre,
comptez 15 jours à raison de 8h par jour. Et oui, le temps de traduction
n'est pas linéaire mais plutôt exponentiel vous diront les matheux !
N'hésitez donc pas à viser bas, c'est-à-dire des textes de moins d'1 pages
d'abord, et de moins de 5 pages ensuite avant de vous attaquer à plusieurs
dizaines de pages. Echelonner ainsi vous permettra de mieux appréhender le
temps nécessaire pour traduire en fonction de votre niveau. Ne vous
attaquez donc pas à un texte de 100 pages si vous êtes deux... Vous n'en
verriez jamais le bout ou presque.
2. Niveau du texte
Un des paramètres qui peut beaucoup influencer votre temps de traduction
ainsi que votre motivation à traduire est le niveau du texte d'origine.
Que ce niveau soit technique ou linguistique. Si vous n'avez jamais vu un
scanner de votre vie et que vous décidez de traduire un livre sur les
ondes radios, vous risquez d'aligner les contre-sens voir de ne rien
comprendre du tout à ce que vous traduisez. C'est aussi une des raisons
pour lesquelles les projets de traduction technique ont bien moins la côte
que les autres et ont plus de difficultés à trouver des membres. Ils
impliquent d'avoir déjà des connaissances techniques minimales avant même
d'avoir des connaissances linguistiques. Je n'ai pas eu ce problème avec
WTS, mais j'en ai eu un autre lié au niveau de langue employé. De même, si
vous voulez traduire du Shakespeare libre à vous, mais je pense que vous
arrêterez au bout d'une heure. Ne sous-estimez pas non plus la difficulté
de l'argot et de la langue courante. Il m'a été par moment très difficile
de traduire certaines expressions de WTS puisque ces dernières avaient
uniquement un sens dans le le langage familier. Si vous arrivez à
comprendre le sens général du texte et certains morceaux plus
particulièrement lors de votre première lecture, vous pouvez réfléchir à
la traduction de ce texte. En revanche, si vous avez des soucis à
simplement lire le texte, je vous déconseille fortement d'en tenter la
traduction. Attaquez-vous à des textes de votre niveau d'abord et au fur
et à mesure que votre niveau montera (techniquement ou linguistiquement
parlant), vous pourrez reconsidérer l'idée de traduire des textes d'un
niveau supérieur.
b/ Y aller seul
Parmi les plus belles conneries qu'il m'ait été donné de faire en
traduction, me lancer seul sur un texte aussi long détient la palme de
l'idiotie. Comme le montre les seulement 4 mois d'activité qu'il m'a
fallu, sur 3 ans et demi de projet, pour traduire totalement WTS, la
motivation a fortement chuté tout au long du projet, et c'est plus
l'énergie du désespoir qui m'a forcé à terminer ma traduction qu'un regain
réel d'intérêt pour le texte. La principale raison était l'ampleur du
travail à fournir connaissant l'énergie déjà donnée à traduire le début du
texte. Cela a donc logiquement entrainé un manque de motivation et par la
même occasion une lenteur de traduction assez phénoménale. Or plus un
projet dure longtemps, plus la motivation décroit. La boucle est bouclée.
Si c'était à refaire, je pense que je ne me lancerai pas dans un tel
projet seul en fonçant tête baissée. Je me suis à un moment retrouvé à
avoir traduit 20 pages et à me dire "Merde, j'en ai ras le cul de cette
traduction", plutôt dommage quand il vous reste 45 pages à traduire et que
vous savez pertinemment qu'un texte demi-traduit est totalement inutile.
La chute de la motivation, la lenteur première de la traduction, et
l'envie finale de terminer le plus vite possible ont donc fatalement
diminué la qualité de la traduction. Je n'ai par exemple relu aucun
passage sur les 45 dernières pages traduites (j'espère que la team Rafale
s'est chargée d'une relecture grossière de principe), ce qui est très très
stupide comme je l'ai déjà précisé. Néanmoins, le projet est arrivé à son
terme, et je crois que ça fait partie des petites erreurs que vous me
pardonnerez, quand bien même vos yeux vous piqueront quelques fois, une
fois arrivés à la fin du texte !
c/ Vouloir faire trop vite ou sauter des étapes
Comme je l'ai décrit un tout petit peu plus haut, vouloir sauter des
étapes aussi importante que la relecture pour économiser du temps est très
stupide. Cela a tendance a décroître le niveau général de la traduction,
et entraîne beaucoup de conséquences. De même que si, à court de membres,
vous décidez de recruter des personnes ayant un niveau de français ou de
langue étrangère vraiment insuffisant. Quelles peuvent être ces
conséquences ? La diminution du niveau a tendance à faire que vos
traductions sont moins lues, ce qui diminue la motivation du groupe à
publier des textes. De plus, comme tout projet alternatif, le
renouvellement des membres est une étape cruciale et ardue, puisque les
participants sont assez rares (surtout depuis quelques années), et que la
traduction prend plus de temps et est moins découpable qu'un projet
normal. Il est par exemple assez difficile de découper un journal en plus
qu'un article par personne, puisqu'on y perd en uniformité et que les
traducteurs y perdent en compréhension du texte. Or un article peut faire
quelques lignes comme une dizaine de pages. De plus, lorsqu'un membre
traduit une partie d'un texte puis abandonne, il faut souvent repartir de
zéro parce qu'on a pas du tout la même façon de traduire que la personne
d'origine.
d/ Sous-estimer l'importance d'être lu
1. Motivé, motivé. Il faut rester motivé !
J'ai parlé de motivation pendant tout l'article, parce qu'il s'agit de la
principale chose qui vous fera avancer et traduire. Tous les autres
paramètres influençant votre temps de traduction, que ce soit le nombre de
membres, votre connaissance de la langue d'origine, tout ça passe bien
après la motivation. Une question qui vient alors rapidement est : comment
entretenir cette motivation à traduire alors qu'elle tend naturellement à
décroître une fois que le projet est lancée et l'euphorie des débuts est
retombée ? Être lu ! La réponse bien qu'elle semble assez simpliste n'en
est pas moins véridique. La seule motivation qui m'ait permis de venir à
bout de ce projet est de savoir que ma traduction allait paraître dans
Rafale, et donc avoir beaucoup plus de chances d'être lue que si je
l'avais simplement mise sur le forum La Ruelle. En effet, n'oublions pas
que vous ne traduisez jamais pour vous-même puisque cela vous demande
beaucoup plus de temps que de simplement lire le texte. La traduction est
un geste de partage. Si vous limitez la diffusion de vos travaux aux seuls
membres du projet, vous perdez votre temps !
2. Ne soyez pas égoïste : partagez !
Tout en traduisant, vous devez assurer en continu la diffusion de vos
textes par un site internet/blog/zine ou autres, et rester en contact
permanent avec vos potentiels lecteurs ! Si vous ne le faites pas, vous
n'aurez aucun retour sur votre travail et donc une impression grandissante
de vous user pour rien, ce qui est parfois le cas. N'hésitez surtout pas à
faire de la publicité pour votre projet en permanence, et montrez que vous
êtes encore en vie. Le mieux à faire dans ce cas-là est de faire paraître
une note hebdomadaire/mensuelle indiquant que vous êtes toujours là, et
que un ou deux paragraphes ont été traduits. Certains projets préfèrent
faire paraître des traductions complètes d'un texte (un journal complet
par exemple) plutôt que de le diffuser par partie (exemple : par article).
C'est un choix risqué puisqu'il peut s'écouler un certain temps entre la
parution de deux traductions complètes et pendant ce temps-là personne ne
sait si le projet est encore en vie. Les barres d'avancement font aussi
partie des indicateurs qui ont un impact certain sur l'image qu'ont les
lecteurs de l'activité de votre projet. S'ils la voient avancer vite, ils
seront plus à même de vous rejoindre, espérant participer à un projet de
traduction dynamique. A peu de choses près, tous les projets de traduction
qui ne traduisaient que pour eux-mêmes ou bien ne montraient leur activité
que de manière aléatoires au gré des traductions n'ont pas tenu.
Conclusion
Beaucoup me diront que la plupart des remarques émises concernent n'importe
quel type de projet que ce soit dans le milieu alternatif ou pas, et que ce
soit pour traduire ou bien participer à la conception d'un logiciel. Certes,
certains passages peuvent être assez généralistes; néanmoins, j'ai essayé de
donner à chaque fois des exemples s'appliquant plus précisément au cas de la
traduction.
Si je devais partager avec vous la perception que j'ai eu de mon expérience
de la traduction, je vous dirais que ce fut enrichissant... et assez futile.
Je me suis lancé dans de nombreux projets de traduction, certains ont
abouti, d'autres non. Mais j'ai souvent été confronté au manque de
motivation et surtout au manque d'intérêt suscité par le travail effectué.
Ceci étant dû, en partie tout au moins, aux problèmes que je vous ai énoncés
ci-dessus. Si j'avais passé tout mon temps de traduction à écrire des
articles sur les sujets que j'ai traduit, je pense que j'aurais appris et
écrit une quantité 5 à 10 fois supérieure ! Je considère donc que l'apport
personnel de toutes mes traductions fut faible en comparaison du temps passé
à les réaliser. De plus, la visibilité de mon travail a été très faible, ce
qui ne m'a jamais permis de savoir si mes traductions s'étaient avérées
utiles à certains ou pas.
On a souvent tendance à vouloir traduire un concept ou un article pour le
partager avec les autres. On oublie souvent que le même effet peut être
obtenu non en traduisant, mais juste en réécrivant les idées avec ses
propres mots. Les réécritures se basent avant tout sur la conservation des
idées exposées et elles vous permettront de gagner énormément de temps et
d'assimiler bien mieux ce qui est dit par l'article original, tout en vous
permettant de partager le texte. Les traductions de styles, c'est-à-dire les
traductions de textes philosophiques/récits/nouvelles/manifeste, où chaque
mot a son importance, devraient presque être les seules à exister dans la
communauté alternative. Toutes les autres textes devraient seulement être
des réécritures !
Je pense en particulier aux textes techniques ou donnant des manières de
faire, comme WTS par exemple. Ce genre de texte ne devrait jamais être
traduit mais réécrit ! Sans jamais oublier de citer la source d'origine,
bien entendu. Si vous êtes bons dans la langue d'origine, la réécriture d'un
texte est à peine plus longue que celle d'un texte français. Votre
connaissance de la langue d'origine devient alors le facteur déterminant. À
vrai dire, le lecteur de la réécriture gagne aussi beaucoup en
compréhension, puisqu'on réécrit les phrases en utilisant ses propres mots
et non en se basant sur les structures des phrases d'origine, qui sont
parfois bancales lorsqu'elles sont traduites en français. Je pense que la
majorité des projets de traduction dans le milieu alternatif devraient se
réorienter vers une réécriture des textes d'origine (si rendre le savoir
accessible au plus de monde est bien leur objectif) et réserver la
traduction à des cas particuliers comme ceux que j'ai cités plus haut. Rien
n'empêchant de passer de l'un à l'autre en fonction du contenu du texte.
Cependant, pensez à le préciser quand vous publiez vos textes, histoire de
ne pas être sous le feu des critiques pour une "traduction" non-fidèle.
Je ne veux décourager personne de la traduction ou de monter un groupe de
traduction, mais je préfère souligner d'avance les difficultés que vous
pourriez rencontrer afin de, j'espère, les surmonter sans soucis. Lorsque
vous décidez de traduire un ensemble de textes, faites-en un projet à part
entière, et non un sous-projet. Cela vous évitera de voir la plupart des
gens le désaffecter au profit de taches plus rapide. De plus, réfléchissez
bien à deux fois avant de choisir votre sujet de traduction ou votre
objectif, en vous posant certaines questions comme : Est-ce à ma hauteur ?
Est-ce-que le sujet m'intéresse vraiment ? Est-ce que le sujet ne risque pas
d'être obsolète sous peu ? Dans un autre registre, je le répète encore une
fois, mais ne commencez jamais un projet si vous n'êtes pas convaincu de
pouvoir le finir, ce ne serait que du temps perdu !
Pour finir, j'aimerais remercier toute l'équipe de Rafale pour m'avoir
poussé à finir cette traduction et m'avoir permis de diffuser mon travail en
utilisant son magazine. Si vous avez des questions, des remarques ou si vous
voulez plus d'infos sur le sujet, envoyez un message à Rafale qui se
chargera de me le transmettre. Si je devais maintenant vous résumer en une
phrase mon avis sur la traduction dans le milieu alternatif francophone :
Traduisez si la beauté des mots l'emporte. Réécrivez lorsque
l'idée prime.
Un Traducteur Anonyme
ANNEXE
La traduction est un art, et comme tout art, elle possède ses outils. Je
vais vous présenter ici une liste de liens et de documents qui pourraient
grandement faciliter votre travail de traducteur. Leur lecture n'est en rien
indispensable pour débuter, mais ils sont d'un apport non négligeable pour
toute personne désireuse de progresser dans la traduction ou dans l'emploi
de sa propre langue.
Les dictionnaires bilingues http://www.wordreference.com/enfr/ : Franco-
anglais. http://www.wordreference.com/esfr/ : Franco-espagnol. Ces deux
dictionnaires sont en liaison avec le forum de WordReference, qui est une
véritable mine d'or linguistique, et qui ressemble à une véritable Tour de
Babel.
http://www.lexilogos.com/index.htm Vous trouverez sur ce site (à
l'organisation un peu brouillonne) un grand nombre de dictionnaires de
langues. Le nombre de langues proposées est assez ahurissant, et le choix de
la source est souvent laissé à l'utilisateur lorsqu'on cherche la traduction
d'un nom. Indispensable pour les langues un peu plus exotiques que l'habituel
Français-Anglais-Allemand-Espagnol.
http://dict.leo.org/pages.frde/tipps_fr.html?lang=fr Un bon dictionnaire
franco-allemand.
http://www.larousse.fr/dictionnaires Dictionnaires plurilingues assez
pratiques et précis (Anglais/Espagnol/Français/Allemand/Italien).
http://glossaire.traduc.org/ Un lexique Franco-anglais des termes techniques.
Son utilisation est quasi obligatoire lors des traductions techniques, afin
d'éviter des anglicismes ou des traductions maladroites.
http://www.traduc.org/Glossaires_et_dictionnaires Une page du groupe
Traduc.org qui référence divers dictionnaires et lexiques.
http://www.urbandictionnary.com Dictionnaire d'argots/mots familiers/insultes
en anglais. On a tendance à assez souvent se perdre dans le nombre de sens que
peut prendre un même mot, mais vous êtes presque sûr d'y trouver celui que
vous cherchez et qui s'adapte à votre contexte.
http://wiktionary.org/ Le dictionnaire de Wikipedia, qui regroupe plusieurs
langues. Ce n'est pas toujours une source sûr, mais lorsque le mot est
introuvable sur les autres dictionnaires (particulièrement pour les termes
créés il y a peu), il s'agit d'une bonne roue de secours.
http://iate.europa.eu Dictionnaire de termes techniques dans tous les domaines
et dans la plupart des langues européennes. Très pratique si vous traduisez
dans un domaine technique. Toutes les traductions sont celles employées par
des institutions officielles.
Normalement, vous devriez vous en sortir rien qu'avec ces liens. Tout ce dont
vous avez besoin se trouve dedans, il faudra peut-être fouiller et tâtonner un
peu la première fois, mais on prend vite ses marques.
Conseils et documents à lire
http://www.traduc.org/Grammaire_et_orthographe : une liste de liens pour la
conjugaison et la grammaire française.
http://www.traduc.org/R%C3%A8gles_typographiques : les règles à appliquer pour
l'écriture en français (espace après les caractères de ponctuations, accents
sur les majuscules, etc). L'application de ces règles est obligatoire pour
réaliser une véritable traduction.
http://www.traduc.org/Guides_de_traduction : une aide très importante pour
débuter en traduction. Beaucoup de méthodes, et d'erreurs à éviter y sont
expliquées. Je vous conseille aussi fortement la lecture du guide de
localisation SUN.
Si vous tombez sur une expression ou un mot dont vous n'arrivez pas à saisir
le sens, une bonne méthode, après avoir épluché les dictionnaires de
différents niveaux de langage, est d'aller dans google d'abord, puis google
image en cas d'échec, afin de trouver des indices sur le sens du mot ou de
l'expression cible. Plus d'une fois google image m'a été d'une très grande
aide dans la traduction de mots-composés introuvables dans les dictionnaires
car dérivés du langage courant.
Voilà, j'espère que ces outils vous faciliteront la vie. Pour ma part, je n'en
n'utilise qu'un seul habituellement : le dictionnaire de Wordreference.
Néanmoins, les autres vous serviront sûrement un jour, alors autant que vous
les connaîssiez.