Traduction - Mode d'emploi
                  
Zine : Rafale #17
Auteur : Anonyme



Intro 

Traduire, c'est rendre accessible un concept, une idée, un poème -ou toute 
autre forme d'écrit- à une nouvelle population. On permet ainsi à un concept 
d'être diffusé plus largement, de s'enrichir et d'évoluer. Le principe premier 
de la traduction c'est le partage; on partage un texte ou une idée qui nous a 
plu, et on le fait découvrir à d'autres personnes. Celles-ci auront peut-être 
une perception différente qui viendra enrichir la nôtre.

Nous savons que le milieu alternatif francophone est relativement pauvre en 
documents "intéressants" pour une personne qui désirerait mener un mode de vie 
différent, ou bien tout simplement acquérir des connaissances non scolaires 
telles que le crochetage, la survie, la fabrication d'un tunnel, etc. A 
l'inverse, les milieux anglophones et hispanophones regorgent de ce genre de 
documents.

C'est dans ce contexte que j'ai traduit "The Way of The Shadow" (La voie de 
l'ombre - abrégé ). Et après plus de trois ans et demi de traduction, je 
voulais partager avec vous non seulement mon travail mais aussi ma vision plus 
personnelle de la traduction d'un texte alternatif.


I. Pourquoi ce texte

	a/ Expérience dans la traduction

	
		Avant de me lancer dans la traduction de WTS, j'avais déjà une certaine 
		connaissance de la traduction, pour avoir traduit pas mal de textes 
		techniques et quelques textes plus généralistes. Tous liés néanmoins de 
		près ou de loin au monde alternatif, et traduits dans le cadre de projets 
		encadrés. Ca m'a donné une petite expérience, et une certaine confiance 
		sur la possibilité de mener à son terme un projet assez long comme WTS 
		(environ 70 pages). Je me suis très vite heurté à des problèmes récurrents 
		dans les projets de traduction. Problèmes dont je vous parlerai plus bas.

		
	b/ Le projet WTS

		1. Genèse

		
		A l'origine, l'idée de traduire WTS est venue du forum La Ruelle 
		(ruelle.hopto.org - ex-Spy00), qui est un forum underground dédié à toutes 
		les discussions sans tabou légal. Etant donné les sujets traités dans ce 
		forum, ce document était de toute première importance pour certains 
		utilisateurs. Le projet a donc débuté en juillet 2008, c'est vous dire si 
		le travail fut de longue haleine. Nous étions à ce moment-là quatre à 
		vouloir traduire ce texte. Néanmoins, l'été passé, le nombre de 
		participants a rapidement chuté pour atteindre une personne, moi. A ce 
		stade, l'avancement du projet se limitait à 5 pages (les 5 pages parues 
		dans Rafale #11), traduites par une des premières personnes a avoir lancé 
		l'idée de la traduction. 

		
		2. Développement

		
		Par la suite, il s'en est suivi un petit blanc de presque un an, ce qui 
		nous amène à juin 2009 pour la parution de la suite de la traduction. Les 
		20 pages (parues dans Rafale #13 et #14) avaient été traduites sur 
		quelques semaines. Puis un petit passage (3 pages) a été traduit en juin 
		2011 et est paru dans Rafale #14. Encore une fois cette traduction fut 
		suivie d'une période flottement de quelques moi. Nous arrivons donc aux 
		alentours de Janvier 2012. 

		
		3. Fin du projet

		
		La nouvelle année m'ayant fait prendre de nouvelles résolutions, je 
		décidais de finir la traduction de WTS le plus vite possible. J'ai donc 
		fini de traduire en 1 mois et demi les 42 pages restantes (est-ce un signe 
		ou un symbole ? Je ne sais pas :D ), afin de pouvoir faire paraître le 
		tout dans Rafale #17. Ce qu'il est important de souligner en lisant ce 
		mini historique du projet, c'est l'étendue du projet comparée aux périodes 
		d'activités. Ce dernier a duré 3 ans et demi, mais 80% du projet a été 
		fait en l'espace de 4 mois. Ce n'est pas vraiment étonnant si l'on 
		considère que la motivation principale du projet était la parution dans 
		Rafale et que la majorité du projet a été réalisée par une seule personne. 


II. Comment bien traduire

	a/ Monter le groupe 

		1. Membre

			Lorsque vous décidez de monter un projet de traduction, le choix des 
			membres est crucial. Il y a quelques paramètres primordiaux à prendre en 
			compte qui sont assez spécifiques des groupes de traduction. Parmi ceux-
			là, on compte la connaissance de la langue française et la motivation. 
			Bien que cela paraisse logique, la connaissance de la langue française 
			est tout sauf une évidence. J'ai déjà vu plusieurs fois des projets où 
			les personnes avaient une orthographe si déficiente que la traduction en 
			perdait de son sens. Il faut être tolérant, mais jusqu'à un certain 
			seuil. Quand quelqu'un vous écrit "sa semble vrai", vous pouvez déjà 
			éliminer un membre. La sélection est assez importante puisqu'une 
			traduction se doit d'être uniforme. Si les 5 premières pages sont 
			criblées de fautes, et les 5 d'après sont bien écrites, cela fera une 
			traduction des plus bancales (l'étape de relecture est là pour ça). 
			Deuxièmement, la motivation est un facteur extrêmement important puisque 
			les projets de traduction se créent pour traduire un ensemble de textes 
			ou bien un texte assez long. Ce genre de projet a donc très rapidement 
			tendance à prendre du temps. La motivation étant presque toujours 
			décroissante avec le temps, si vous construisez une équipe peu motivée, 
			vous vous retrouverez seul en l'espace de deux mois. 

			Aussi étonnant que ça puisse paraître, je ne cite pas une excellente 
			connaissance de la langue d'origine comme étant quelque chose 
			d'important. Tout simplement parce que ça ne l'est pas ! Ne me faites 
			pas dire que l'on peut traduire en ignorant tout de la langue, mais des 
			connaissances scolaires basiques peuvent être suffisantes pour mener à 
			bien une traduction. Vous pouvez très bien combler ces lacunes dans la 
			langue d'origine par une excellente connaissance du français et 
			l'utilisation intelligente d'un dictionnaire. Quand j'ai commencé à 
			traduire je traduisais chaque mot mais j'arrivais toujours à saisir le 
			sens de le phrase, ce qui permettait de traduire en français de manière 
			correcte.

			Certains croient que la traduction est un bon moyen de s'améliorer dans 
			la langue d'origine. C'est vrai, tout au moins en partie, mais dans une 
			bien moindre mesure que si vous consacriez votre temps de traduction à 
			lire de l'anglais. Vous aurez très souvent tendance à vérifier des mots 
			dans le dictionnaire et à couper les mots de leur contexte. Ce qui rend 
			l'apprentissage de la langue par ce biais assez difficile. Si vous 
			souhaitez améliorer votre niveau en faisant seulement de la traduction, 
			vous risquez d'être assez vite déçu.

						
		2. Choix du sujet

			
			Le choix d'un sujet importe beaucoup et joue énormément sur la 
			motivation du groupe formé. Si vous décidez de traduire un journal 
			paraissant quasiment mensuellement, vos traductions devront suivre le 
			rythme. Vous risquez sinon d'accumuler le retard et de vous retrouver 
			obsolètes lors de la parution de la traduction. Cependant, si votre 
			groupe est motivé, avoir une date limite permet de ne pas trop 
			s'étendre, car comme tout le monde le sait, si vous pouvez faire quelque 
			chose en 1h et que vous en avez 10h pour le faire, vous mettrez 10h à le 
			faire.

			Ce problème est aussi récurrent chez les projets faisant des traductions 
			techniques. Il m'est déjà arrivé qu'entre le moment où l'article est 
			paru et celui où il a été traduit, le temps soit si important que le 
			projet technique dont il parlait avait été arrêté. Cela a donc fortement 
			tendance à décroitre votre motivation et donc à ralentir la traduction, 
			et ainsi de suite.

			Je me borne à traiter ici de la traduction de textes alternatifs, je 
			n'inclue donc pas des traductions de logiciels ou bien des projets plus 
			légaux où les gens ont tendance a être plus réguliers dans leur effort.

			
		3. Règles de base pour uniformiser

		
			Une des choses qu'il ne faut vraiment pas oublier quand l'on travaille à 
			plusieurs sur une traduction c'est qu'à la fin, le texte ou l'ensemble 
			des textes doit être uniforme. On ne doit donc pas remarquer le 
			changement de traducteur lorsqu'on passe d'un texte ou paragraphe à un 
			autre. Il est donc bon d'édicter quelques règles de bases sur la 
			traduction en général (accents, majuscules accentués, virgules, etc), et 
			certaines plus spécifiques au projet, comme la traduction de certains 
			mots récurrents mais sans équivalent français. Cela permettra d'induire 
			au moins un petit peu d'uniformité dans le projet.

			
	b/ Traduction

		Je vais vous décrire ici une méthode idéale pour traduire. Je dis idéale 
		parce que dans les faits, un projet de traduction alternatif ne permet que 
		rarement de mettre en oeuvre tout ce qui y est édicté, soit par manque de 
		temps, soit par manque de membre ! Un projet de traduction qui tourne bien 
		compte au moins 4 personnes en permanence, mais en moyenne il vous faut le 
		plus souvent compter sur 4 personnes maximum et en alterné, chacun 
		traduisant quand il a du temps libre.

		Tout d'abord vous devez lire le texte original afin de comprendre les 
		positions de l'auteur ou bien les concepts et idées qu'il énonce. Si vous 
		ne comprenez pas, n'hésitez pas à relire plusieurs fois. Si vous pensez ne 
		toujours avoir compris le texte, alors ne le traduisez pas. Vous 
		risqueriez de mal traduire, voire de dire le contraire de ce qui est 
		écrit. Une fois que vous vous êtes imprégné du texte, vous pouvez 
		commencer à traduire le texte. Lisez toujours une phrase dans sa totalité 
		avant de la traduire. Il arrive ainsi que vous traduisiez une phrase de 
		trois ou quatre lignes, et vous vous apercevez que les derniers mots 
		changent totalement le sens de la phrase, vous devez alors la réécrire. 
		Une fois que vous avez fini de traduire un paragraphe ou une partie unie 
		du texte (c'est-à-dire ayant un sujet commun), relisez-vous pour vérifier 
		que vous n'avez pas fait de contre sens. Gardez toujours la structure ou 
		l'organisation du texte (particulièrement si celui-ci est séparé en 
		paragraphes ou hiérarchisé), mais n'hésitez cependant pas à couper 
		certaines phrases en plusieurs parties si le sens en pâtit en français. 
		Une fois la traduction effectuée, laissez-la de côté quelques jours. Puis 
		relisez le texte dans son intégralité et vérifiez que rien ne choque 
		(phrases bancales, compréhension difficile, fautes de frappes, etc). En 
		prenant un peu de recul avec votre traduction, vous verrez plus facilement 
		des erreurs que vous avez pu commettre et qui vous auraient passé sous le 
		nez si vous aviez relu dans la lancée. Si vous le pouvez, relisez-vous une 
		seconde fois, juste après l'autre, en vous fixant cette fois sur la 
		grammaire et l'orthographe. Une fois que plus rien ne vous choque, 
		précisez ici que votre traduction est terminée. Elle passera alors par la 
		case relecture.

		Il s'agit bien entendu de conseils de traduction, personne ne vous oblige 
		à suivre ce schéma. Néanmoins, si vous le faites, cela pourrait grandement 
		vous faciliter vos traductions et en améliorer la qualité.  


	c/ Relecture

		La relecture est une étape importante (si ce n'est primordiale) du 
		processus de traduction. Sans elle, on obtient la plupart du temps des 
		textes mal traduits, avec des contre-sens, remplis de fautes, etc. Et ce 
		même dans le cas de traducteurs chevronnés ou bilingues. Je vais vous 
		donner ici la méthode conseillée pour faire une bonne relecture, il s'agit 
		juste de conseils pour les mêmes raisons que celles données pour la 
		traduction.

		Tout d'abord, il faut s'imprégner du texte. Il s'agit donc tout d'abord de 
		lire le texte en langue étrangère. Ainsi vous saurez de quoi traite le 
		texte et la manière dont l'auteur développe ses idées. Faire une lecture 
		comparée phrase par phrase. C'est de loin l'étape la plus longue et 
		pénible de la relecture. Il s'agit de comparer la phrase en langue 
		étrangère et la phrase dans le document traduit. Il n'est pas question de 
		juger le style du traducteur, sauf si cela rend la phrase bancale. Le 
		perfectionnisme et les belles tournures de phrases peuvent rendre la 
		traduction plus difficile à lire, ne l'oubliez pas. Une fois la lecture 
		comparée finie, il faut vous laisser un peu de temps, un à deux jours en 
		général. Une fois ce délai passé, vous pouvez entamer une relecture 
		complète du texte; vous n'aurez ici qu'à vérifier les fautes d'orthographe 
		et de grammaire et les quelques phrases bancales que vous avez pues 
		retraduire. L'utilisation d'un correcteur orthographique est ici 
		grandement conseillée. Au moins pour éviter les fautes les plus graves. La 
		petite pause vous permet de voir des fautes que vous n'auriez pas vues 
		sinon. Vous avez maintenant fini votre relecture. Il est alors conseillé 
		de passer le texte à une deuxième personne afin qu'elle le lise à son 
		tour. Dans bon nombre de cas, cette étape peut s'avérer inutile, 
		particulièrement si le traducteur et le relecteur ont un bon niveau de 
		français et une bonne connaissance du concept énoncé, ou bien si le nombre 
		de membre actif de votre projet ne le permet pas. Certains projets de 
		traduction poussent le vice jusqu'à effectuer trois relectures. Ce qui est 
		parfaitement inutile. 

		La traduction et la relecture doivent être réalisées par deux personnes 
		(ou trois, s'il y a deux relectures) distinctes. Deux paires d'yeux valent 
		toujours mieux qu'une. Certaines choses qui paraissent limpides et 
		compréhensibles pour le traducteur ne le sont pas du tout pour le 
		relecteur. NE SAUTEZ JAMAIS L'ETAPE DE RELECTURE ! Elle est toute aussi 
		importante que la traduction et fera souvent la différence entre un projet 
		de traduction reconnu comme faisant du travail de qualité, et un projet de 
		traduction baclé.


III. Pièges à éviter

	Lorsqu'on s'attaque à une traduction, il y a un ensemble de pièges à éviter 
	qui vous permettront d'être plus efficace et de rester motivé. Je vous donne 
	ici ceux auxquels j'ai pu être confrontés pendant que je traduisais.

	
	a/ Voir trop gros 

		1. Temps et quantité à traduire

		
		Voir trop gros est caractéristique des projets contenant des membres 
		inexpérimentés. On pense toujours que traduire est assez rapide. On lit le 
		texte, on le comprend sans trop de problème, et on se dit que la 
		traduction ne devrait donc pas poser de soucis majeurs. Sauf que la 
		principale difficulté d'une traduction consiste à faire qu'un texte soit 
		compréhensible par tous, et non seulement par son traducteur. Et c'est 
		souvent là que le bât blesse, et que l'étape de relecture devient 
		primordiale. On sous-estime trop souvent le temps que peut prendre une 
		traduction. WTS en est l'exemple parfait, les membres pensaient y arriver 
		en deux mois, mais 3 ans et demi ont été nécessaires. Pour un ordre 
		d'idée, une traduction correcte d'une page quand on a une bonne 
		compréhension de la langue d'origine et un bon niveau de français vous 
		prendra environ 1h30. Pour une traduction de 70 pages comme la nôtre, 
		comptez 15 jours à raison de 8h par jour. Et oui, le temps de traduction 
		n'est pas linéaire mais plutôt exponentiel vous diront les matheux ! 
		N'hésitez donc pas à viser bas, c'est-à-dire des textes de moins d'1 pages 
		d'abord, et de moins de 5 pages ensuite avant de vous attaquer à plusieurs 
		dizaines de pages. Echelonner ainsi vous permettra de mieux appréhender le 
		temps nécessaire pour traduire en fonction de votre niveau. Ne vous 
		attaquez donc pas à un texte de 100 pages si vous êtes deux... Vous n'en 
		verriez jamais le bout ou presque.

		
		2. Niveau du texte

		
		Un des paramètres qui peut beaucoup influencer votre temps de traduction 
		ainsi que votre motivation à traduire est le niveau du texte d'origine. 
		Que ce niveau soit technique ou linguistique. Si vous n'avez jamais vu un 
		scanner de votre vie et que vous décidez de traduire un livre sur les 
		ondes radios, vous risquez d'aligner les contre-sens voir de ne rien 
		comprendre du tout à ce que vous traduisez. C'est aussi une des raisons 
		pour lesquelles les projets de traduction technique ont bien moins la côte 
		que les autres et ont plus de difficultés à trouver des membres. Ils 
		impliquent d'avoir déjà des connaissances techniques minimales avant même 
		d'avoir des connaissances linguistiques. Je n'ai pas eu ce problème avec 
		WTS, mais j'en ai eu un autre lié au niveau de langue employé. De même, si 
		vous voulez traduire du Shakespeare libre à vous, mais je pense que vous 
		arrêterez au bout d'une heure. Ne sous-estimez pas non plus la difficulté 
		de l'argot et de la langue courante. Il m'a été par moment très difficile 
		de traduire certaines expressions de WTS puisque ces dernières avaient 
		uniquement un sens dans le le langage familier. Si vous arrivez à 
		comprendre le sens général du texte et certains morceaux plus 
		particulièrement lors de votre première lecture, vous pouvez réfléchir à 
		la traduction de ce texte. En revanche, si vous avez des soucis à 
		simplement lire le texte, je vous déconseille fortement d'en tenter la 
		traduction. Attaquez-vous à des textes de votre niveau d'abord et au fur 
		et à mesure que votre niveau montera (techniquement ou linguistiquement 
		parlant), vous pourrez reconsidérer l'idée de traduire des textes d'un 
		niveau supérieur.

		
	b/ Y aller seul

	
		Parmi les plus belles conneries qu'il m'ait été donné de faire en 
		traduction, me lancer seul sur un texte aussi long détient la palme de 
		l'idiotie. Comme le montre les seulement 4 mois d'activité qu'il m'a 
		fallu, sur 3 ans et demi de projet, pour traduire totalement WTS, la 
		motivation a fortement chuté tout au long du projet, et c'est plus 
		l'énergie du désespoir qui m'a forcé à terminer ma traduction qu'un regain 
		réel d'intérêt pour le texte. La principale raison était l'ampleur du 
		travail à fournir connaissant l'énergie déjà donnée à traduire le début du 
		texte. Cela a donc logiquement entrainé un manque de motivation et par la 
		même occasion une lenteur de traduction assez phénoménale. Or plus un 
		projet dure longtemps, plus la motivation décroit. La boucle est bouclée. 
		Si c'était à refaire, je pense que je ne me lancerai pas dans un tel 
		projet seul en fonçant tête baissée. Je me suis à un moment retrouvé à 
		avoir traduit 20 pages et à me dire "Merde, j'en ai ras le cul de cette 
		traduction", plutôt dommage quand il vous reste 45 pages à traduire et que 
		vous savez pertinemment qu'un texte demi-traduit est totalement inutile. 
		La chute de la motivation, la lenteur première de la traduction, et 
		l'envie finale de terminer le plus vite possible ont donc fatalement 
		diminué la qualité de la traduction. Je n'ai par exemple relu aucun 
		passage sur les 45 dernières pages traduites (j'espère que la team Rafale 
		s'est chargée d'une relecture grossière de principe), ce qui est très très 
		stupide comme je l'ai déjà précisé. Néanmoins, le projet est arrivé à son 
		terme, et je crois que ça fait partie des petites erreurs que vous me 
		pardonnerez, quand bien même vos yeux vous piqueront quelques fois, une 
		fois arrivés à la fin du texte !

		
	c/ Vouloir faire trop vite ou sauter des étapes

		Comme je l'ai décrit un tout petit peu plus haut, vouloir sauter des 
		étapes aussi importante que la relecture pour économiser du temps est très 
		stupide. Cela a tendance a décroître le niveau général de la traduction, 
		et entraîne beaucoup de conséquences. De même que si, à court de membres, 
		vous décidez de recruter des personnes ayant un niveau de français ou de 
		langue étrangère vraiment insuffisant. Quelles peuvent être ces 
		conséquences ? La diminution du niveau a tendance à faire que vos 
		traductions sont moins lues, ce qui diminue la motivation du groupe à 
		publier des textes. De plus, comme tout projet alternatif, le 
		renouvellement des membres est une étape cruciale et ardue, puisque les 
		participants sont assez rares (surtout depuis quelques années), et que la 
		traduction prend plus de temps et est moins découpable qu'un projet 
		normal. Il est par exemple assez difficile de découper un journal en plus 
		qu'un article par personne, puisqu'on y perd en uniformité et que les 
		traducteurs y perdent en compréhension du texte. Or un article peut faire 
		quelques lignes comme une dizaine de pages. De plus, lorsqu'un membre 
		traduit une partie d'un texte puis abandonne, il faut souvent repartir de 
		zéro parce qu'on a pas du tout la même façon de traduire que la personne 
		d'origine.

	
	d/ Sous-estimer l'importance d'être lu

		1. Motivé, motivé. Il faut rester motivé !

		J'ai parlé de motivation pendant tout l'article, parce qu'il s'agit de la 
		principale chose qui vous fera avancer et traduire. Tous les autres 
		paramètres influençant votre temps de traduction, que ce soit le nombre de 
		membres, votre connaissance de la langue d'origine, tout ça passe bien 
		après la motivation. Une question qui vient alors rapidement est : comment 
		entretenir cette motivation à traduire alors qu'elle tend naturellement à 
		décroître une fois que le projet est lancée et l'euphorie des débuts est 
		retombée ? Être lu ! La réponse bien qu'elle semble assez simpliste n'en 
		est pas moins véridique. La seule motivation qui m'ait permis de venir à 
		bout de ce projet est de savoir que ma traduction allait paraître dans 
		Rafale, et donc avoir beaucoup plus de chances d'être lue que si je 
		l'avais simplement mise sur le forum La Ruelle. En effet, n'oublions pas 
		que vous ne traduisez jamais pour vous-même puisque cela vous demande 
		beaucoup plus de temps que de simplement lire le texte. La traduction est 
		un geste de partage. Si vous limitez la diffusion de vos travaux aux seuls 
		membres du projet, vous perdez votre temps !

		
		2. Ne soyez pas égoïste : partagez !

		Tout en traduisant, vous devez assurer en continu la diffusion de vos 
		textes par un site internet/blog/zine ou autres, et rester en contact 
		permanent avec vos potentiels lecteurs ! Si vous ne le faites pas, vous 
		n'aurez aucun retour sur votre travail et donc une impression grandissante 
		de vous user pour rien, ce qui est parfois le cas. N'hésitez surtout pas à 
		faire de la publicité pour votre projet en permanence, et montrez que vous 
		êtes encore en vie. Le mieux à faire dans ce cas-là est de faire paraître 
		une note hebdomadaire/mensuelle indiquant que vous êtes toujours là, et 
		que un ou deux paragraphes ont été traduits. Certains projets préfèrent 
		faire paraître des traductions complètes d'un texte (un journal complet 
		par exemple) plutôt que de le diffuser par partie (exemple : par article). 
		C'est un choix risqué puisqu'il peut s'écouler un certain temps entre la 
		parution de deux traductions complètes et pendant ce temps-là personne ne 
		sait si le projet est encore en vie. Les barres d'avancement font aussi 
		partie des indicateurs qui ont un impact certain sur l'image qu'ont les 
		lecteurs de l'activité de votre projet. S'ils la voient avancer vite, ils 
		seront plus à même de vous rejoindre, espérant participer à un projet de 
		traduction dynamique. A peu de choses près, tous les projets de traduction 
		qui ne traduisaient que pour eux-mêmes ou bien ne montraient leur activité 
		que de manière aléatoires au gré des traductions n'ont pas tenu.		 

		
Conclusion

	Beaucoup me diront que la plupart des remarques émises concernent n'importe 
	quel type de projet que ce soit dans le milieu alternatif ou pas, et que ce 
	soit pour traduire ou bien participer à la conception d'un logiciel. Certes, 
	certains passages peuvent être assez généralistes; néanmoins, j'ai essayé de 
	donner à chaque fois des exemples s'appliquant plus précisément au cas de la 
	traduction.

	Si je devais partager avec vous la perception que j'ai eu de mon expérience 
	de la traduction, je vous dirais que ce fut enrichissant... et assez futile. 
	Je me suis lancé dans de nombreux projets de traduction, certains ont 
	abouti, d'autres non. Mais j'ai souvent été confronté au manque de 
	motivation et surtout au manque d'intérêt suscité par le travail effectué. 
	Ceci étant dû, en partie tout au moins, aux problèmes que je vous ai énoncés 
	ci-dessus. Si j'avais passé tout mon temps de traduction à écrire des 
	articles sur les sujets que j'ai traduit, je pense que j'aurais appris et 
	écrit une quantité 5 à 10 fois supérieure ! Je considère donc que l'apport 
	personnel de toutes mes traductions fut faible en comparaison du temps passé 
	à les réaliser. De plus, la visibilité de mon travail a été très faible, ce 
	qui ne m'a jamais permis de savoir si mes traductions s'étaient avérées 
	utiles à certains ou pas.

	On a souvent tendance à vouloir traduire un concept ou un article pour le 
	partager avec les autres. On oublie souvent que le même effet peut être 
	obtenu non en traduisant, mais juste en réécrivant les idées avec ses 
	propres mots. Les réécritures se basent avant tout sur la conservation des 
	idées exposées et elles vous permettront de gagner énormément de temps et 
	d'assimiler bien mieux ce qui est dit par l'article original, tout en vous 
	permettant de partager le texte. Les traductions de styles, c'est-à-dire les 
	traductions de textes philosophiques/récits/nouvelles/manifeste, où chaque 
	mot a son importance, devraient presque être les seules à exister dans la 
	communauté alternative. Toutes les autres textes devraient seulement être 
	des réécritures !

	Je pense en particulier aux textes techniques ou donnant des manières de 
	faire, comme WTS par exemple. Ce genre de texte ne devrait jamais être 
	traduit mais réécrit ! Sans jamais oublier de citer la source d'origine, 
	bien entendu. Si vous êtes bons dans la langue d'origine, la réécriture d'un 
	texte est à peine plus longue que celle d'un texte français. Votre 
	connaissance de la langue d'origine devient alors le facteur déterminant. À 
	vrai dire, le lecteur de la réécriture gagne aussi beaucoup en 
	compréhension, puisqu'on réécrit les phrases en utilisant ses propres mots 
	et non en se basant sur les structures des phrases d'origine, qui sont 
	parfois bancales lorsqu'elles sont traduites en français. Je pense que la 
	majorité des projets de traduction dans le milieu alternatif devraient se 
	réorienter vers une réécriture des textes d'origine (si rendre le savoir 
	accessible au plus de monde est bien leur objectif) et réserver la 
	traduction à des cas particuliers comme ceux que j'ai cités plus haut. Rien 
	n'empêchant de passer de l'un à l'autre en fonction du contenu du texte. 
	Cependant, pensez à le préciser quand vous publiez vos textes, histoire de 
	ne pas être sous le feu des critiques pour une "traduction" non-fidèle.

	Je ne veux décourager personne de la traduction ou de monter un groupe de 
	traduction, mais je préfère souligner d'avance les difficultés que vous 
	pourriez rencontrer afin de, j'espère, les surmonter sans soucis. Lorsque 
	vous décidez de traduire un ensemble de textes, faites-en un projet à part 
	entière, et non un sous-projet. Cela vous évitera de voir la plupart des 
	gens le désaffecter au profit de taches plus rapide. De plus, réfléchissez 
	bien à deux fois avant de choisir votre sujet de traduction ou votre 
	objectif, en vous posant certaines questions comme : Est-ce à ma hauteur ? 
	Est-ce-que le sujet m'intéresse vraiment ? Est-ce que le sujet ne risque pas 
	d'être obsolète sous peu ? Dans un autre registre, je le répète encore une 
	fois, mais ne commencez jamais un projet si vous n'êtes pas convaincu de 
	pouvoir le finir, ce ne serait que du temps perdu !

	Pour finir, j'aimerais remercier toute l'équipe de Rafale pour m'avoir 
	poussé à finir cette traduction et m'avoir permis de diffuser mon travail en 
	utilisant son magazine. Si vous avez des questions, des remarques ou si vous 
	voulez plus d'infos sur le sujet, envoyez un message à Rafale qui se 
	chargera de me le transmettre. Si je devais maintenant vous résumer en une 
	phrase mon avis sur la traduction dans le milieu alternatif francophone : 

						Traduisez si la beauté des mots l'emporte. Réécrivez lorsque 
						l'idée prime.


Un Traducteur Anonyme

	





ANNEXE

	La traduction est un art, et comme tout art, elle possède ses outils. Je 
	vais vous présenter ici une liste de liens et de documents qui pourraient 
	grandement faciliter votre travail de traducteur. Leur lecture n'est en rien 
	indispensable pour débuter, mais ils sont d'un apport non négligeable pour 
	toute personne désireuse de progresser dans la traduction ou dans l'emploi 
	de sa propre langue.

Les dictionnaires bilingues http://www.wordreference.com/enfr/ : Franco-
anglais. http://www.wordreference.com/esfr/ : Franco-espagnol. Ces deux 
dictionnaires sont en liaison avec le forum de WordReference, qui est une 
véritable mine d'or linguistique, et qui ressemble à une véritable Tour de 
Babel.

http://www.lexilogos.com/index.htm Vous trouverez sur ce site (à 
l'organisation un peu brouillonne) un grand nombre de dictionnaires de 
langues. Le nombre de langues proposées est assez ahurissant, et le choix de 
la source est souvent laissé à l'utilisateur lorsqu'on cherche la traduction 
d'un nom. Indispensable pour les langues un peu plus exotiques que l'habituel 
Français-Anglais-Allemand-Espagnol.

http://dict.leo.org/pages.frde/tipps_fr.html?lang=fr Un bon dictionnaire 
franco-allemand.

http://www.larousse.fr/dictionnaires Dictionnaires plurilingues assez 
pratiques et précis (Anglais/Espagnol/Français/Allemand/Italien).

http://glossaire.traduc.org/ Un lexique Franco-anglais des termes techniques. 
Son utilisation est quasi obligatoire lors des traductions techniques, afin 
d'éviter des anglicismes ou des traductions maladroites.

http://www.traduc.org/Glossaires_et_dictionnaires Une page du groupe 
Traduc.org qui référence divers dictionnaires et lexiques.

http://www.urbandictionnary.com Dictionnaire d'argots/mots familiers/insultes 
en anglais. On a tendance à assez souvent se perdre dans le nombre de sens que 
peut prendre un même mot, mais vous êtes presque sûr d'y trouver celui que 
vous cherchez et qui s'adapte à votre contexte.

http://wiktionary.org/ Le dictionnaire de Wikipedia, qui regroupe plusieurs 
langues. Ce n'est pas toujours une source sûr, mais lorsque le mot est 
introuvable sur les autres dictionnaires (particulièrement pour les termes 
créés il y a peu), il s'agit d'une bonne roue de secours.

http://iate.europa.eu Dictionnaire de termes techniques dans tous les domaines 
et dans la plupart des langues européennes. Très pratique si vous traduisez 
dans un domaine technique. Toutes les traductions sont celles employées par 
des institutions officielles.

Normalement, vous devriez vous en sortir rien qu'avec ces liens. Tout ce dont 
vous avez besoin se trouve dedans, il faudra peut-être fouiller et tâtonner un 
peu la première fois, mais on prend vite ses marques.

Conseils et documents à lire

http://www.traduc.org/Grammaire_et_orthographe : une liste de liens pour la 
conjugaison et la grammaire française.

http://www.traduc.org/R%C3%A8gles_typographiques : les règles à appliquer pour 
l'écriture en français (espace après les caractères de ponctuations, accents 
sur les majuscules, etc). L'application de ces règles est obligatoire pour 
réaliser une véritable traduction. 

http://www.traduc.org/Guides_de_traduction : une aide très importante pour 
débuter en traduction. Beaucoup de méthodes, et d'erreurs à éviter y sont 
expliquées. Je vous conseille aussi fortement la lecture du guide de 
localisation SUN.

Si vous tombez sur une expression ou un mot dont vous n'arrivez pas à saisir 
le sens, une bonne méthode, après avoir épluché les dictionnaires de 
différents niveaux de langage, est d'aller dans google d'abord, puis google 
image en cas d'échec, afin de trouver des indices sur le sens du mot ou de 
l'expression cible. Plus d'une fois google image m'a été d'une très grande 
aide dans la traduction de mots-composés introuvables dans les dictionnaires 
car dérivés du langage courant.

Voilà, j'espère que ces outils vous faciliteront la vie. Pour ma part, je n'en 
n'utilise qu'un seul habituellement : le dictionnaire de Wordreference. 
Néanmoins, les autres vous serviront sûrement un jour, alors autant que vous 
les connaîssiez.